Une âme à vivre ? Une philosophie légendaire à "re-vivre" ?

      Couches est à l'image de sa légende, une une vision mémorable superbe, une image panoramique sur l'histoire avec une âme à "Vivre". Le château ostentatoire offre une vue imprenable sur la vallée... Bon nous le savons, vers l'an 1300, le monstre faramine mangeait tout sur son passage, enfant, bétail et vignerons... Et, les habitants eurent recours au génie de Yoata et de sa flûte magique. Mais, outre la légende quelles sont les traces historiques, les traces tangibles qui prouvent que cette chronique a bien eu lieu ? Pour connaître les traces historiques de la légende il fallait mener l'enquête et nous avons interviewé les auteurs régionaux spécialistes de la Vivre (ou Vouivre). Monsieur Lucien Taupenot (auteur régional, spécialiste de la Vivre) couchoise, nous raconte les origines de la légende... Personnage sympathique, l'interview de Monsieur Taupenot est évidement à Vivre avec quelques détails croustillants sur le monstre...

       A Couches, les plus anciennes murailles du château de Marguerite de Bourgogne et du Prieuré Saint Georges sont vielles de dix siècles. Des faits originels (expliquant la genèse et l'histoire actuelle de la Vivre) sont marqués dans la pierre. Mais, la description des indices s'avère être une traversée difficile dans la nuit des temps.

      Les murs couchois ont pétrifié ces croyances communes, ces agrégats de légendes en spéculations mémorables. 1320, en pays couchois... De mauvaises récoltes ramènent le spectre hideux de la famine et préparent le retour des malheurs et de la barbarie de l'An Mille. Oui, depuis plusieurs années, la grande peste déferle sur la Bourgogne et la ravage. A Chalon et dans les campagnes alentours "le mal qui répand la terreur" décime la moitié de la population. Parmi les mouches et les rats, les cadavres empestent. Les registres paroissiaux de Givry, par exemple, font état de 622 morts en quatre mois, contre 35 décès en année moyenne. Le mal qui répand la terreur aura son paroxysme d'épouvante en 1348. Vingt ans plus tôt, le temps n'est déjà plus à la ferveur religieuse, au développement des villages et à l'essor agricole. Le temps est à la survivance dans cette période qu'il est impossible d'imaginer. La mort nimbe le pays comme une odeur putride imprègne les hameaux désertés. L'hiver 1328 est redoutable et exige son contingent de décès supplémentaires. Les cadavres, figés par le froid, conservent au moins quelque temps les odeurs avariées. Seul le blizzard est audible. Le bétail agonise en silence. La population n'est plus.

      Par ailleurs, la guerre de cent ans a semé partout les ruines monumentales et les fondements du désespoir et de l'abattement. Au risque de troubler certains esprits, le gaspillage humain vient s'ajouter à celui du malheur naturel. Le seul bruit est celui des hordes. Des hordes anglaises surviennent effectivement à Couches pour massacrer, incendier ce qui vit encore. En période de trêve, les mercenaires sans emploi ont beau jeu de constituer ici autour de Chagny leurs compagnies de routiers et d'écorcheurs qui pillent tuent et brûlent tout ce qui existent dans le pays couchois. Les populations vivent prostrées dans les bois. Les hameaux sont abandonnés au maux pluriels qui gangrènent le pays. La légende couchoise invoque ainsi un mal effroyable installé dans le temps qui nécrose le pays. Dans une certaine mesure, le mal pourrait correspondre à ces bandes sanguinaires de mercenaires anglais.

      Mais les chroniques historiques sont encore plus terribles. Les souvenirs effroyables ont longtemps hanté les mémoires, et, les survivants couchois, terrorisés ont racontés et transmis dans la mémoire collective la description populaire d'un monstre, d'une cruauté sans pareille... "Le mal a investis la terre, les champs restent incultes et le couchois se meure". Le monstre d'épouvante à une puissance surnaturelle et se nomme Vivre, Wivre Vouivre, Guivre ou Grivre dont l'origine latine est celle du nom latin vipera qui désigne la vipère. L'animal porterait au front une escarboucle étincelante, une sorte de cabochon ardent fixé au front du monstre comme une étoile au firmament. Le cabochon ardent (parfois rubis, parfois diamant) aurait le pouvoir de guider l'animal sans hésitation dans ses courses nocturnes tant célestes que souterraines. Gardienne des lumières célestes et conservatrice des chaleurs souterraines, la Vivre faramine couchoise, ne se sépare de son escarboucle chatoyante que pour boire. La Vivre est donc ce serpent ailé, gardien des forces telluriques, et, chef d'orchestre des fécondités magmatiques. La bête est effroyable. Sa gueule exhale une telle fumée sulfureuse, une telle puanteur, que preux chevalier, même en armure, ne peut tenir debout sa vision maléfique.

      La Vivre couchoise vivait à l'origine dans un ravin de la Creuse. Elle terrorisait le voisinage en mangeant les petits, en épouvantant les grands. La Vivre ravissait veaux, moutons, et autre menu bétail. Pour ceux, rares, qui peuvent décrire le monstre, ils affirment tous que sa queue fourchue est nantie d'un anneau d'or dont le cliquetis sinistre annonce sa présence. La gueule de la Vivre crache une bave fumante parfumée d'une venaison inextricable, sa langue est effilée. Son corps ailé, semblable à celui d'une chauve souris énorme et monstrueuse, est garni de grosse écailles solides. Le monstre couchois est apparu en hiver 1328 au lieudit :"Les Breux". En ces mois d'hiver terrible, chacun cru voir le diable. D'une taille fabuleuse, chacun raconte que le corps allongé du monstre ondulait, effleurant le sol. La gueule énorme laissait apparaître des dents phénoménales acérées. D'une férocité indescriptible, la bête, sans pareille cruauté, dévastait les hameaux transis de peur, figés sous le givre hivernal... Ecoliers, archers, femmes et vignerons furent ses premières victimes. Au cours de l'histoire de valeureux guerriers à l'âme bien trempée tentèrent, en vain, de vaincre la damnée. Mais, Vivre faramine semble se jouer des lois de la nature. Peut importe le temps et les lois des hommes. La Vivre est immortelle. Peur, désespoir et résignation sont le ciment d'accablement du peuple couchois...

La légende raconte que la Vivre serait
encore au château de Couches...



La Vivre au château de Couches

      Alors, que faire ? Pour guider l'ignorant à l'existence du monstre, d'aucun de dire qu'il était loisible d'invoquer les forces divines en priant sous la poutre de la Vivre dans la salle du prieuré Saint Georges. Car, dans la salle du prieuré, en effet, une superbe poutre en chêne montre la première représentation historique de l'ogresse. Certains ne voient là, dans cette poutre, que l'allégorie d'une poésie barbare. Mais, certains chercheurs spécialistes de la Vivre affirment que la poutre aurait été sculptée par Sapience lui-même dans ce bois magique que Yoata aurait utilisé pour fabriquer sa flûte pour guider l'animal. Que voir sur la poutre engoulée du prieuré ? "La Vivre mange la poutre par les deux bouts"... Il s'agit bien là d'un message (voir ci dessous). Mais, malheureusement, personne ne connaît la signification exacte de cette information. L'histoire ne demande qu'à être examinée à nouveau, et, c'est justement ce que nous souhaitons avec ces manifestations de la Vivre 2008 !


      A lire : Images de Saone-et-Loire. Numéro 154, Juin 2008, page 6.
      Lucien Taupenot : Les fêtes de la Vivre à COUCHES en 2008.

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